"Pourquoi il est urgent de renouer avec l'école des savoirs"

Le 18 Février 2014

"Pourquoi il est urgent de renouer avec l'école des savoirs"

L'on cite le bel ouvrage de Pierre Magnard dans un article du Figaro que vous pouvez retrouver en ligne !

 

"Pourquoi il est urgent de renouer avec l'école des savoirs"

Alors que le débat entre partisans de l'éducation et tenants de l'instruction est relancé par la polémique autour de la théorie du genre, Louis Manaranche, agrégé d'histoire et président du laboratoire d'idées Fonder demain, explique comment renouer avec la transmission à l'école.

S'il est un pays au monde où la question scolaire déchaîne les passions, c'est bien le nôtre. Il est même tentant de croire que la "guerre scolaire", comme on aime à l'appeler non sans emphase, est le régime ordinaire de notre pays depuis deux siècles. Nul n'ignore les tensions, les raideurs et les violences qui ont jalonné notre histoire commune avant qu'un fils de l'école catholique, le général de Gaulle, élevé chez les jésuites en exil en Belgique, et un fils de la laïque, Michel Debré, passé sur les bancs des plus prestigieux lycées de la République, unissent leurs énergies pour proposer un compromis historique, avec la reconnaissance par l'État du "caractère propre" des établissements confessionnels.

Sans nier la permanence de clivages anciens, il semble que la crise de l'école soit aujourd'hui différente et en un sens plus fondamentale. Ainsi, en 1905, alors que la République mettait fin au Concordat dans une situation de très vive division entre Français, le Manifeste des instituteurs syndicalistes proclamait:

"Notre enseignement n'est pas un enseignement d'autorité. Ce n'est pas au nom du gouvernement, même républicain, ni même au nom du Peuple français que l'instituteur confère son enseignement: c'est au nom de la vérité. Les rapports mathématiques, les règles de grammaire, non plus que les faits d'ordre scientifique, historique, moral, qui le constituent, ne sauraient dès lors être soumis aux fluctuations d'une majorité."

Par ces quelques lignes, ces maîtres témoignaient d'une foi commune, indépendante des divergences politiques ou idéologiques, en la transmission comme fondement de l'école. Bien des maîtres de l'école libre, nourris par exemple de la Ratio Studiorum, auraient pu alors faire leur cette profession de foi. Pour tous, le maître était au service de la transmission, non pas avant tout de telle ou telle valeur en tant que telle, fût-elle républicaine ou chrétienne, mais des savoirs fondamentaux, dont est reconnue la vérité objective qui en fait toute la valeur.

Une forme d'orgueil de la modernité, nourri par certaines écoles philosophiques et sociologiques, par une fascination pour le progrès technique, scientifique et technologique, mais sans doute plus encore par l'invasion de l'instantanéité, fruit pourri d'une connexion permanente, a rompu cette confiance en la transmission. Le savoir reçu du passé est devenu, sinon suspect en ce qu'il perpétue un ordre des choses dépassé et vecteur d'inégalités, du moins incertain et soumis à la subjectivité de l'élève qui doit non pas se l'approprier mais le construire lui-même. Le philosophe Pierre Magnard analyse bien cette situation dans La Couleur du matin profond. La modernité lui semble en proie à la tentation de "l'amnésie généralisée", du "déni de transmission" qui "fait des hommes de ce temps des voyageurs sans bagages". Il propose en réponse la "superaedificatio", c'est-à-dire littéralement la construction par-dessus, une transmission jamais déconnectée de son sens premier de tradition.

Cette humilité de la transmission est le cœur même de l'autorité du maître. Celui-ci n'a pas pour mission première d'émanciper par l'inculcation de certaines valeurs ou théories - même cachées derrière de très scolaires ABCD - mais de nourrir la liberté par la transmission d'un patrimoine qui porte lui-même nos valeurs communes. Toute déformation de cette fonction exigeante altère la représentation du maître, distillant d'un côté de la défiance de la part des élèves et des familles et de l'autre plongeant celui-ci dans un doute permanent sur sa légitimité et sur son rôle social.

Sans sous-estimer le poids des facteurs extérieurs, et en tout premier lieu de la crise de la famille, quels sont les outils dont dispose l'école pour réhabiliter cette fonction de transmission? Voilà un des champs qu'a exploré, sous la houlette d'Augustin Laudet, le rapport "Éduquer aux marges" du laboratoire d'idées Fonder Demain, convaincu que c'est par l'analyse attentive des situations les plus difficiles et des plus grandes fragilités que l'on peut tirer des leçons pour tous. Les préconisations apportées s'attachent à lier le souci du contenu des programmes, des modalités d'enseignement et des rites qui accompagnent toujours cet acte avec celui de la juste place des différents acteurs de l'éducation, posant notamment la question de leur autonomie respective. C'est bien de cela qu'il s'agit en définitive. Plutôt que de fonder une liberté illusoire sur la déconstruction de tout ce qui est reçu et sur l'exaltation de la subjectivité individuelle, l'École peut être ce tremplin qui juche les élèves, pour paraphraser Bernard de Chartres, sur les épaules des géants qui nous ont précédé. À commencer par les plus petits…

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